Les différentes étapes par
lesquelles un enfant
passe pour apprendre à lire
Introduction
Si
lire consiste à déchiffrer un message codé
pour lui donner sens, on peut partir du principe qu’un enfant sait lire s’il
comprend ce qu’il est en train de lire.
Bien
sûr, le niveau de difficulté engendré par le texte proposé à l’enfant influera
sur son degré de compréhension.
Savoir-lire reste donc toujours
relatif.
D’ailleurs,
certains adultes, bons lecteurs par ailleurs, peuvent rencontrer des difficultés
de
compréhension
quand ils lisent une posologie médicamenteuse ou bien un arrêté rendu par une administration
publique.
Ainsi,
apprendre à lire se fait par étapes.
Cette
progression par paliers, en fonction des enfants, peut se faire de manière
parallèle ou linéaire, de manière explicite ou implicite, mais elle est de
toute façon incontournable dans le mécanisme d’apprentissage et de
compréhension de la lecture pour le jeune apprenti-lecteur.
1/ L’enfant exerce sa conscience
des sonorités à l’oral :
Par
différents jeux, l’enfant repère tout d’abord le nombre de syllabes dans un mot
à l’oral, il localise tel ou tel son dans les
syllabes du mot, il joue avec les syllabes en restituant ce qu’il reste du mot
lorsqu’on lui retire la première syllabe, ou la dernière ou tel son…
Cette
phase verbale, travaillée de manière systématique en
moyenne et grande section de maternelle, est cruciale dans l’apprentissage de
la lecture car elle aide l’enfant à isoler, à assembler ou à séparer les sons dans
un mot : capacité essentielle dans le travail de décodage que l’on retrouvera
ensuite.
2/ L’enfant prend conscience du
lien entre l’oral et l’écrit :
Au
cours de sa progressive découverte du monde de l’écrit (liste des courses,
emballages, télévision, histoires lues par les adultes, date écrite au tableau
quotidiennement, dictée à l’adulte….), l’enfant comprend peu à peu que ce qui se dit à l’oral peut s’écrire
et vice et versa. Il réussit également à établir un lien entre la quantité d’orale
et la quantité d’écrits ; à savoir que plus il y a d’écrit, plus on oralise et inversement.
3/ L’enfant comprend que la langue
française s’écrit avec un alphabet composé de 26 lettres
En
moyenne et grande section, l’enfant apprend à écrire par exemple son prénom, d’abord
en capitale d’imprimerie puis en attaché. Pour cela, il utilise les lettres de
l’alphabet. Il apprend à reconnaître la plupart de ces lettres et un certain
nombre de comptines pour mémoriser l’ordre alphabétique des lettres.Ces
pré-requis sont nécessaires pour faciliter l’entrée dans le décodage.
4/ L’enfant comprend qu’à une
lettre ou un groupe de lettres correspond un son et inversement
C’est
la spécificité du CP en matière d’apprentissage de la lecture. En maternelle, l’enfant
« baigne » dans le monde de l’écrit quotidiennement sans rentrer dans les
aspects techniques du décodage comme il le fait en CP. En effet, lors de cette
étape, l’élève va devoir appréhender le principe alphabétique : une lettre peut
transcrire un son ou plusieurs sons (par exemple la lettre ‘l’ ne fait que le
son [l], mais la lettre ‘s’ peut faire le son [s] comme dans serpent mais peut aussi faire le son [z] dans rose. En outre, l’enfant doit également comprendre
que pour écrire un son, on peut utiliser différentes lettres ou groupe de lettres.
Par exemple, pour écrire le son [f], parfois, on utilise la lettre ‘f’ mais
parfois, on utilise le groupe de lettres ‘ph’.
5/ L’enfant comprend que les sons
et les lettres se combinent
Pour
commencer à décoder de manière efficace, l’enfant doit pouvoir littéralement
associer le son d’une lettre ou d’un groupe de lettres avec une autre lettre ou
un autre groupe de lettres. La difficulté pour lui est que, dans les mots, les
lettres sont accolées les unes aux autres et que, au début de l’apprentissage
du décodage, il doit d’abord séparer mentalement le son de ces lettres pour
ensuite les raccrocher. Par exemple, pour lire la syllabe « cha », l’enfant
doit d’abord identifier et séparer les deux composants « ch » et « a ». Il doit
ensuite sonoriser le son que fait « ch » puis sonoriser le son que fait « a »
pour enfin fusionner le son [ch] et le son [a] pour obtenir la syllabe [cha].
6/ L’enfant comprend la fusion
syllabique
Une
fois que l’enfant a compris la fusion, c’est-à-dire la combinatoire simple, il
va devoir reproduire ce qu’il a fait pour lire une seule syllabe une deuxième
fois, puis associer le son produit par chacune des syllabes afin d’obtenir la
sonorité finale du mot.Ecrit ainsi, cela semble facile à faire.
La
difficulté pour lui réside dans le fait qu’il doit garder en mémoire la sonorité produite par la première
syllabe alors qu’il doit encore décoder sur le même modèle la seconde syllabe.
Par exemple,pour déchiffrer le mot chapeau, l’enfant doit garder en mémoire la
sonorité [cha] et isoler dans le même temps la composante « p » et la
composante « eau » ; sonoriser chacune de ces composantes puis les associer
pour obtenir [po] puis se souvenir que la première syllabe fait [cha] et enfin
associer les deux syllabes ensemble [cha] [po] pour lire chapeau.
Et
pour autant, même à ce stade de réussite, rien ne nous garantit que le mot chapeau renvoie pour lui à une image claire et
précise dans sa tête : l’illustration d’un chapeau.
Plus
l’enfant mémorisera rapidement le son produit par une lettre ou un groupe de
lettres, moins cette opération mentale sera couteuse en énergie cognitive pour
l’enfant et plus il pourra décoder rapidement et garder en réserve une part de
ses ressources intellectuelles pour le sens. En clair, tout ce qui peut être automatisable,
doit être automatisé.
7/ L’enfant reconnaît les mots
Lorsque
l’enfant en est à ce stade de l’apprentissage de la lecture, on peut dire qu’il
a déjà « automatisé » le principe du décodage et réussi à mémoriser le son des
lettres qu’il a étudiées en classe.
L’enfant
qui dépensait encore beaucoup d’énergie à décoder le mot « chapeau » au moins
de décembre,le reconnaît à présent quasi instantanément.
Ce
processus est normal. Comme l’on cherche à se souvenir du prénom d’une personne
que l’on croise pour la première fois, celui revient de plus en plus facilement
en mémoire à chaque fois que l’on revoit son visage. En effet, à force de
rencontrer le groupe de lettres « ch », l’enfant n’a plus besoin de réfléchir au
son qu’il produit, à fortiori pour la lettre ‘a’. N’ayant donc plus besoin d’isoler
les lettres pour les sonoriser, l’apprentil-lecteur est maintenant capable
lorsqu’il voit écrit « cha » de sonoriser [cha], idem pour la syllabe « peau ».
La liaison sonore entre ces deux syllabes est alors de plus en plus rapide.
A
ce stade, l’enfant est un bon déchiffreur même si le travail sur le sens reste
toujours à approfondir.
8/ L’enfant comprend les phrases
qu’il lit
Pour
devenir vraiment lecteur, l’enfant doit donc décoder sans erreur les mots qui
sont écrits et doit également appréhender le sens contenu
dans le message écrit. Il devra donc avoir une image mentale des mots qu’il
décode ou qu’il reconnaît (l’image du chapeau
par exemple si le mot chapeau est écrit) et garder en mémoire ces
images mentales pour reconstituer la globalité du message. Par exemple dans la phrase
« Le chapeau du jardinier est posé sur la branche de l’arbre. », l’enfant doit
pouvoir transformer les mots écrits en une scène possible
à visualiser afin d’avoir une image mentale claire
renvoyant à chaque mot de cette phrase (ce qui suppose qu’il connaisse le sens
de chacun de ces mots).
Cela
implique également que l’enfant soit capable de faire interagir ces images
mentales dans le bon ordre car sinon, il n’interprétera pas le sens de cette
phrase correctement et dira par exemple, si on lui demande ce qui se passe dans
cette phrase, que l’arbre est posé sur le chapeau dans le jardin. C’est à cette
étape que la syntaxe joue pleinement son rôle d’organisateur du sens. « Le
chien mord Pierre » ne signifie pas la même chose que « Pierre mord le chien ».
9/ L’enfant comprend les textes qu’il
lit
On
arrive là à l’une des dernières étapes du processus d’apprentissage de la
lecture qui est extrêmement complexe puisqu’il fait l’objet du travail de
lecture du CE1, du cycle 3 (CE2, CM1, CM2), voire du reste de notre vie d’adulte.
En effet, l’enfant doit non seulement décoder correctement les phrases du texte
pour en comprendre le sens mais il doit aussi les faire interagir pour
reconstituer le sens global du texte. On passe alors de la grammaire de phrase
à la grammaire de texte.
Ainsi,
l’élève devra être capable de mémoriser les personnages, leurs
caractéristiques, les liens entre eux, les lieux dans lesquels se déroulent les
différentes actions et reconstituer chronologiquement les étapes du récit ou
des informations données. La mémoire est alors mise à rude épreuve.
Des
compétences d’interprétation des pronoms personnels entrent également en jeu.
Par exemple pour savoir qui est « Il
» dans la phrase « Il est posé sur la branche de l’arbre. »,
l’enfant devra comprendre qu’il doit associer ce pronom personnel à un
personnage cité dans les phrases précédentes du texte en les relisant.
Il
serait également intéressant qu’il soit capable de répondre à des questions
faisant appel à
«
l’explicite » du texte c’est-à-dire à retrouver des informations écrites noir sur blanc à différents
endroits
du texte. Par exemple, si on demande à l’enfant « Où est le chapeau du
jardinier ? », l’enfant devra comprendre qu’il doit sélectionner dans la
question un ou deux mots clés de cette question comme « chapeau » ou «
jardinier » et rechercher ces mots dans le texte en le lisant une première fois
; puis une fois qu’il les a trouvés, relire attentivement la phrase pour
répondre « Le chapeau du jardinier est sur la
branche
de l’arbre. »
L’enseignement
de la lecture au CP s’arrête donc à cette étape déjà de haut niveau. Les
adultes lecteurs
ont
oublié le niveau de difficulté de l’acte de lire ; mais apprendre à lire, reste
un acte difficile.
Cela
n’est qu’à la toute fin du CP, voire au CE1 qu’un enfant commencera à s’exercer
à développer sa
compréhension implicite du texte, c’est-à-dire sa capacité à
déduire à partir de certains éléments du texteune information qui n’y est pas
écrite de manière explicite dans le texte. Par exemple, dans le petit texte «
Le garçon d’étage porta les valises des clients et les monta jusqu’à leur
chambre. », l’enfant en articulant les différentes informations contenues dans
les phrases (garçon d’étage, clients, valises) et en faisant appel à ses
propres connaissances du monde, doit pouvoir être capable de dire que cette
scène se passe certainement dans un hôtel.
10/ Ce qu’il faut retenir…
Pour
l’enfant, apprendre à lire est un processus parfois long et difficile.
Vous
devez toujours encouragé votre enfant.
On
n’apprend pas à lire des textes tout de suite. Apprendre à lire se fait
progressivement, cela met
plusieurs
mois, parfois même plusieurs années.
Dîtes-vous
toujours, que tout ce qu’un enfant réussira avec vous (avec de l’aide), il
réussira ensuite à le faire tout seul (sans aide).
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