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lundi 7 août 2017

Pour toi,ami débutant

     
 Pour toi,ami débutant

                   
                    Il ne s’agit pas d’accomplir une carrière mais d’exercer un métier  .                                                                              G.DUHAMEL


     OUF ! As-tu pensé en quittant l'école où tu venais de réussir tes derniers examens. Et de dire adieu aux cours ennuyeux, aux professeurs et aux pensums.Et tu es bien excusable de te sentir joyeux puisque tu laisses derrière toi tout un passé de contrainte, pour toucher enfin au but : tu es nanti d’un métier.tu n’es plus l’écolier anonyme qu’on traitait encore comme un petit garçon. Te voilà grandi,parce que devenu utile.Tu es membre d’une corporation à laquelle tu es déjà fier  d’appartenir.

Demain tu fais ton entrée dans le monde.Dans ce monde de l’enseignement où tu as jugé_peut –être un peu superficiellement_qu’il ferait bon vivre après la monotonie des  longues années d’études.Aussi je m’en voudrais de te détromper et de jouer le rôle de rabat-joie en agitant l’épouvantail des  peines futures. Je désire simplement, en ancien qui a eu ton âge et tes illusions, te dire, tel un compagnon qui met l'outil dans la main de l'apprenti : « voilà le métier que tu as choisi, voilà les difficultés à vaincre, les peines à supporter, les efforts à faire. «Voici le but à atteindre, l'idéal à concevoir . »

Te mettre en face des réalités, n'est-ce point t'éviter plus tard, d'amères déceptions ?Et c'est parce que je ne veux ni celer ni farder la vérité, que je t'avertis et t'avoue « Rude métier que le nôtre ».Ce que tu considères comme une fin, n'est qu'un commencement. Hier écolier, demain artisan, tu entres dans la vie. Ton futur ? Des  générations d'enfants à éduquer. Ton avenir ? Le travail, la lutte pour le pain quotidien, la lutte pour des principes, pour une idée.

Tu seras dans quelques semaines en face de trente ou quarante marmots issus de classes et de familles diverses : des propres et des négligés, des droits et des bossus, des bien portants et des malades, des calmes et des nerveux, des candides et des vicieux, des, intelligents et des arriérés.
       
       Tu aimes ce qui est propre, ce qui est beau, ce qui est bon ? Tu seras en contact journalier avec la malpropreté, les infirmités, les maladies, les vices et les tares du peuple.
      
       Et quand tu auras dépensé tes forces, risqué ta santé, émoussé tes facultés,il t'arrivera, comme à nous, de t'exclamer, au soir d'une journée trop chargée «Sale métier ».
        
     Et quand tu auras dépensé tes forces, risqué ta santé, émoussé tes facultés,il t'arrivera, comme à nous, de t'exclamer, au soir d'une journée trop chargée «Sale métier ».

         
Tu n'auras même pas cette satisfaction qu'éprouvé l'artisan, sa tâche terminée. Car ton travail sera un perpétuel recommencement, une longueinitiation ; et tu n'atteindras jamais à l'idéal, pas même à la perfection. Parce que tu œuvres sur une matière vivante qu'on ne mesure pas et qui n'admet ni loi, nirègle fixe. Le travail le mieux préparé s'avérera infructueux, l'improvisation dangereuse. Ce qui a réussi aujourd'hui, échouera demain. Ce qui a donné desrésultats là-bas, sera inefficace ici.
   
     Tu n'auras même pas droit à la reconnaissance de ce peuple pour qui tuluttes. On décore le militaire, on célèbre ses hauts faits guerriers; on exalte le dévouement du prêtre, on entoure de respect son sacerdoce.
   
   Toi, tu seras un obscur, un ignoré, tu ne prétendras - ni aux honneurs, ni à la richesse. Maître d'école tu commences, maître d'école tu finiras. Pauvre tu es, pauvre tu resteras. Et tu seras" plus ou moins franchement renié du peuple quin'aime pas les « mains blanches » et moqué des bourgeois qui fermeront leur  porte au « petit fonctionnaire sans avenir ».

    Voilà le mauvais lot. Voilà ce que ne disent point les manuels ditsde pédagogie « pratique ». Voilà ce que tu penseras amèrement aux
 heures de découragement. 
      
    Ne cherche pas de responsables. Ne quête pas de consolations. Les compensations tu les trouveras en toi-même. Elles sont d'ordre moral. Tu ne seras dédommagé que dans la mesure où tu auras foi en ta mission d'éducateur.
     
      Et si tu n'y crois pas, ami, ne persiste pas dans cette voie. Tu n'y connaîtrais que des déboires. Sois probe ; boucle ton sac, et pars vers d'autres horizons.
   
     La société ne va-t-elle pas te confier ce qu'elle a de plus précieux : sa jeunesse c'est-à-dire son avenir. Tu en es comptable.
    
    Mais tu as la plus belle part. Si ingrate soit ta tâche, tu en sentiras à tout moment l'utilité et la portée lointaine.Tu vas forger des esprits, façonner des caractères, former des cœurs.Considère les aspirations, souvent mesquines et vaines — parfois sordides — de ceux qui t'entourent et dis-moi « y a-t-il un métier comparable à celui qui consiste à élever des enfants à la condition d'homme ? »
    
     Ces enfants sont ceux du peuple, du peuple qui t'a vu naître et à qui tu dois    tout. L'occasion     t'est    offerte    d'acquitter     ta dette en homme de cœur. On ne te demande pas d'être prophète, mais tout juste meneur de jeu.
   
    Et quand tu sentiras dans le sourire d'un gosse, le regard d'un adolescent ou la poignée de main d'un ancien élève devenu homme, l'estime qu'ils ont pour toi, tu  seras  payé  de tes peines.
    
   Tu ne lésineras pas, j'en suis sûr, à donner le meilleur de toi-même et ce faisant, tu n'auras pas conclu un marché de dupe. Car en instruisant ces enfants,en les éduquant, en étant pour tous et sincèrement un exemple, tu travailles aussi pour toi. Tu étends ta connaissance des choses et des hommes, tu te cultives en les instruisant, tu t'élèves en les éduquant. Et d'autant plus que tu ne te déroberas pas.
       
   On se retrempe l'âme au contact de l'enfance. Pour elle rien de trop beau.Tu choisiras le meilleur. Et tu seras ainsi appelé à aller de compagnie avec les grands esprits de tous les temps. Ecrivains et poètes, penseurs et philosophes.         

 A   les hanter tu t'affineras. Ta personnalité se formera à la manière d'une sédimentation.

    
  Tu en viendras alors à faire choix de principes, à défendre des causes qui te paraîtront justes, à lutter pour des idées que tu sauras nobles et que tu t'efforceras de faire partager aux enfants qu'on t'a confiés. Et tu te réjouiras avec moi d'avoir choisi un métier dont nous allions médire et qui t'oblige à opter pour ce qui manque, à tant d'hommes : une conception du monde, un idéal  humain.

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